Salam aleykum wa rahmat Allah wa barakatuh,
Merci pour votre participation au sondage : « Doit-on tout laisser passer à sa famille ? ».
Vous êtes une majorité écrasante à penser que NON !
Effectivement, non ! On ne doit pas tout laisser passer à sa famille, dans le sens où : on ne doit pas laisser qui que ce soit nous nuire délibérément, profiter de nous, tout décider à notre place, tout dire ou tout faire de nous !
Ceci-dit, pour me positionner en porte-parole des 3% à avoir voté OUI, il me semble que ce qui a été voté est : on déploie davantage de tolérance et de patience à l’égard de sa famille.
Un comportement malveillant et répétitif de la part de votre entourage, vous conduirait à rompre tout lien. Par contre, avec votre famille vous avez laissé « passer » ce que vous n’auriez accepté de nul autre.
C’est ce point de vue que je vais tenter d’exposer au cours de cet article.
Indépendamment de cela, il faut intégrer que votre propre personne a des droits sur vous. C’est pourquoi, cela serait une injustice que de laisser votre famille vous faire souffrir passivement.
Et ce n’est absolument pas ce que je vous recommande.
– DÉFINITION –
La famille, valeur universelle, comprend les liens de parenté (filiation) et les liens d’alliance (mariage).
Cette définition sociologique moderne est la même que celle instaurée en Islam il y a 14 siècles SoubhannaAllah.
Les savants considèrent comme liens de parenté : tous ceux avec qui on ne peut se marier ; ceux qui héritent de nous ; tous ceux qui ont un lien de parenté avec nos parents.
La famille est constituée de membres qu’on ne choisit pas. Ils sont ceux qui nous connaissent et ceux que nous connaissons.
On partage des codes et des règles internes à la famille, et c’est également au sein de la famille que naissent nos premières relations sociales. Elles représentent par la suite un modèle à adopter en société.
Sur l’échelle de la famille, dans le meilleur des cas elle est un cocon, un repère, elle permet de se ressourcer et est porteuse d’un amour inconditionnel.
Dans le pire des cas elle est destructrice, malveillante, et torture psychologiquement, parfois physiquement.
La famille c’est celle qui vous apprend à nager ET celle qui peut pourtant vous faire couler !
Autrement-dit, les membres de la famille se placent très près du cœur. S’ils décident de tirer, vu leur proximité affective, il est très rare qu’ils ratent leur cible !
Pierre Bourdieu, sociologue à qui on reproche le crédit qu’il apporte au « déterminisme », affirme que nos actions seraient déterminées par l’héritage transmis par la famille.
Dieu merci, je suis d’avis que bien que fortement influencé-e-s, nous pouvons tout-de-même aller à l’encontre de ce qu’on nous transmet. Particulièrement si cela transgresse nos valeurs, nos principes et nos croyances.
Dans les familles « classiques », on observe des hauts et des bas – comme dans toute relation. Elles resteront pourtant, envers et contre tout, une force et une garantie de sécurité, de solidarité, de légitimité, de bienveillance, de miséricorde et d’affection !
– L’IMPORTANCE DE LA FAMILLE EN ISLAM –
Le Coran insiste à maintes reprises sur l’importance de préserver et entretenir les liens de parenté.
Les personnes qui se disent « oui mais dans mon cas à moi, c’est différent », sachez que si préserver les liens de parenté était chose facile, peut-être qu’il n’aurait pas été nécessaire d’insister autant :
« Ton Seigneur a ordonné de n’adorer que Lui Seul ! Il a prescrit d’être bon envers ses pères et mères… » – Sourate 17, Verset 23 –
D’après Abdallah Ibn Amr (qu’Allah l’agrée lui et son père), le Prophète (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui) a dit : « Le lien de parenté (Ar Rahim) provient du Miséricordieux (Ar Rahman), celui qui le lie alors Il le lie et celui qui le coupe alors Il le coupe.
Il aura le jour de la résurrection une langue éloquente et convaincante (le lien de parenté) ».
(Rapporté par Boukhari dans Al Adab Al Moufrad n°54 et authentifié par cheikh Albani dans Sahih Al Adab Al Moufrad n°39)
D’après Abou Houreira (qu’Allah l’agrée), le Prophète (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui) a dit: « Il n’est pas permis au musulman de s’écarter de son frère au-delà de trois jours. Celui qui s’écarte de son frère plus de trois jours et meurt rentre dans le feu ».
(Rapporté par Abou Daoud et authentifié par Cheikh Albani dans Sahih Al Jami n°7659)
En Islam, la famille et le respect des aînés sont des valeurs primordiales. Et une famille dans laquelle se trouve respect et stabilité, est un trésor inestimable.
MAIS, car il y a un mais, l’obéissance envers la famille, ne dépasse pas l’obéissance à Allah. C’est dire qu’il y a une limite à la loyauté qu’on porte à sa famille :
« Si ceux-ci te forcent à M’associer, ce dont tu n’as aucun savoir, alors ne leur obéis pas. » – Sourate 29, Verset 8 –
C’est valable notamment lorsque les familles privilégient coutumes à religion, et inculquent à leurs enfants des habitudes qui relèvent du shirk (association, pire péché en Islam).
Par exemple, mettre un fil rouge sur le front pour faire passer le hoquet, faire un noeud sur un foulard pour retrouver une chose perdue, se remémorer son cauchemar dans les toilettes pour en être protégé, mettre une ceinture à la jeune mariée pour qu’elle attende un fils, faire le ménage que lorsque l’invité est arrivé chez lui, les mains de fatma etc etc etc.
Vu comme cela, cela n’a pas l’air méchant, et on ne remet absolument pas en question les bonnes intentions de la famille, qui ignore souvent l’interdiction inhérente à ces pratiques !
Cela démontre que la famille peut vous causer du tort involontairement.
Alors qu’en est-il des familles qui abusent consciemment de leur statut, et qui imposent des règles nocives à leurs enfants ? Des dérives non sans conséquences sur leur bien-être psychologique.
– L’ÉQUILIBRE GARANT D’UNE RELATION SAINE –
Une vie de famille saine repose sur un équilibre.
Notamment l’équilibre entre droits et devoirs.
En exemple : être bienveillant et recevoir de la bienveillance. Prendre des nouvelles de sa famille, et avoir la possibilité de lui demander de l’aide en cas de besoin.
Un des facteurs de déséquilibre est lorsqu’on donne trop à sa famille et qu’on ne reçoit pas assez. Lorsqu’on essuie critiques et reproches de sa part, même en fournissant le meilleur de soi.
L’équilibre repose aussi sur les places assignées à chacun-e. Lorsque celles-ci sont mises à mal, la famille s’en trouve perturbée.
En exemple : un enfant qui ne trouve pas sa place dans la fratrie, des enfants privilégiés à d’autres, une fille qui porte les responsabilités et obligations de sa mère, un fils qui comble l’absence du père.
Des membres de la famille qu’on sacrifie ou qui se sacrifient eux-mêmes en faveur d’autres membres.
Des personnes à qui on laisse tout passer, d’autres qui n’ont pas le droit à l’erreur.
Lorsqu’il y a déséquilibre, la relation peut devenir nocive. Et on est vite tenté de couper les ponts, d’amputer le membre qui fat souffrir !
Attention, il est préférable de mettre de la distance. D’effectuer un retrait stratégique afin de prendre du recul et d’analyser ce qui se joue dans la relation. Qu’est-ce qui fait tant souffrir ? Comment s’en défendre sans que personne ne soit lésé ?
Il est également envisageable de se construire une armure afin de ne plus se retrouver en détresse à chaque attaque, ou à chaque fois que les scénarios qui font mal se répètent.
Il faut enrayer les répétitions, sortir de la boucle !
Et pour cela, il est parfois nécessaire de s’affranchir de l’emprise psychologique, émotionnelle et/ou financière, qu’exerce la famille sur soi.
De se délivrer d’une pression constante, d’un chantage affective, de tentatives de manipulation conscientes ou inconscientes.
– L’INTÉRÊT DE PRÉSERVER LES RELATIONS –
En revanche, couper les liens de parenté, ne plus avoir ni donner de nouvelles à sa famille, est un extrême dans lequel il est fort regrettable de basculer !
Pour deux raisons :
1- La première, bien évidement par respect des principes religieux ! J’en ai fait l’énoncé brièvement plus haut.
Il n’existe pas de prud’hommes de la famille, c’est Allah qui fera les comptes. Et ce Jour là – qu’Allah nous en protège – il vaut mieux recevoir de la part de ceux qui nous ont lésé, plutôt que de donner à ceux à qui on a causé du tort !
2- La deuxième, pour préserver un bien-être psychologique : en coupant les ponts on ne règle pas le problème, on s’en éloigne. Et par conséquent on reste otage de la relation douloureuse. Même si cela est enfouit à l’intérieur de soi.
S’affranchir de l’emprise de sa famille ne peut être fait entièrement si on rompt tout lien. Il faut apprendre à développer la capacité à gérer la relation, tout en faisant ses devoirs.
Exemple : Ma patronne me fait de l’harcèlement psychologique. Je n’arrive plus à lui dire non, elle abuse de son statut et m’exploite. Que faire ?
A) Je démissionne
B)Je me libère de son emprise et je lui impose des limites à respecter !
Dans le cas A) on n’apprend pas à gérer la situation. Et en partant, non seulement on se prive d’un salaire, mais on risque de re tomber dans la même situation. Situation qu’on aura fuit, et qu’on n’aura pas appris à gérer ! Sans parler du goût amer que cette expérience nous aura laissé.
Dans le cas B je reste, mais j’agis en défendant mes intérêts et ma santé mentale ! Ce qu’elle est en droit d’exiger je le fais. Ce qui sort du cadre et qui me porte préjudice, je m’y oppose diplomatiquement et sereinement : Non. C’est tout.
La patronne excessive représente la famille qui abuse de ses droits ! Qui parfois évoque même les versets d’Allah, pour vous montrer à quel point vous êtes désobéissant-e-s et à quel point vous négligez vos devoirs… Sans évoquer les versets qui parlent de vos droits !
On peut rester en contact avec des membres de la famille qui ont de mauvais agissements, sans les laisser vous faire dévier de votre route. Votre chemin à vous c’est le droit chemin, restez droites dans vos bottes.
Ce que la famille est en droit de me demander, je lui donne. Même si elle, elle dévie de son chemin droit.
Ce que la famille me demande et qui va à l’encontre de mes droits, je m’y refuse. Diplomatiquement (si ça s’énerve en face, j’opère à nouveau un retrait stratégique).
– TOUT LAISSER PASSER –
Il y a ceux et celles qui coupent les ponts, ou qui n’accomplissent plus leurs devoirs et allez hop c’est réglé !
Mais il faut se méfier d’un autre extrême : tout accepter, tout subir et tout laisser passer.
Dans ce cas de figure on ne rend service à aucun des protagonistes !
Le fait qu’une relation ne soit pas saine, à cause des dérives comportementales et abus des protagonistes, nuit considérablement à la relation !
Et le but, rappelons-le et de préserver les liens de parenté, d’optimiser le capital miséricorde, bienveillance et amour entre ses membres.
Cela serait contre productif que de laisser les dérives dans la relation se perpétrer.
De plus, ne pas corriger sa famille l’empêche de se reformer. Les comportements déviants au sein de la famille pourraient même s’étendre à d’autres relations externes. Les conséquences pourraient en être plus graves.
Sans parler du jugement d’Allah.
Exhortez-les – même s’il est plus difficile de faire le rappel à sa famille qu’aux inconnus – puis occupez-vous de votre propre personne.
– NOCIVITÉ CONSCIENTE OU INCONSCIENTE –
Même si cela n’est pas un exercice aisé, vous devez essayer de comprendre votre famille. Me fait-elle du mal pour mon bien ou pour servir ses intérêts ?
Exemple : elle me fait la tête quand je refuse d’épouser tel prétendant pour quelle raison ? Parce qu’elle pense savoir ce qui est bon pour moi, ou pour le regard des gens ?
Le mal est le même, mais il connaît des circonstances atténuantes ou aggravantes !
Certaines familles souffrent de maux qui expliquent (sans justifier), le mal qu’elles causent à leurs membres.
Des problèmes psychologiques (dépressions, phobies, angoisses, traumatismes), des éducations discutables (elles reproduisent un schéma), des problèmes de mal occulte qui sèment la zizanie (sorcellerie, mauvais oeil, jalousie).
Les conséquences sont des problèmes de communication et un manque de témoignages d’affection.
Il est intéressant de reconnaître et d’isoler ces cas, où on peut tenter de déceler et comprendre les mécanismes qui incitent aux mauvais agissements.
On peut supposer que ces mauvais agissements sont alors inconscients et involontaires.
On ne les subira pas pour autant, mais se comprendre les uns les autres permet de développer tolérance et compassion.
– LES 3 QUESTIONS RELATIVES À LA FAMILLE –
Pour identifier la cause des problèmes relationnels qu’on rencontre avec sa famille, il me semble pertinent de se poser 3 questions :
Question 1 : Je fais et accepte des choses que je ne devrais pas, car j’en ai envie ou sous la contrainte ?
Cela permettra de jauger le niveau d’emprise. Si on accepte les choses car on en a envie et sans que cela nous nuise, zéro problème !
Question 2 : Ma famille agit-elle dans son intérêt ou le mien ?
Pour prendre la mesure des circonstances atténuantes ou aggravantes. On laissera plus facilement passer, si dans le fond notre famille tente maladroitement de nous protéger.
Question 3 : J’accepte ma famille réelle ou je rêve de ma famille idéale ?
On est davantage exigeant-e et moins tolérant-e lorsqu’on idéalise notre entourage. Confronter famille réelle et famille idéale permettra de déconstruire un idéal, en faire le deuil et reconstruire la relation sur des bases plus saines.
– CAS EXTRÊMES –
Pour les cas extrêmes ++++++++
Cela nécessite davantage plus de réflexion et de travail avec une tierce personne (imam, psychologue musulman-e).
À travers cet article je n’ai pas la prétention de saisir tous les tenants et aboutissants de chaque situation familiale !
Vous êtes unique et votre famille aussi.
Consultez !
– CONCLUSION –
Souvenez vous que le mot « devoir » ne va pas sans son acolyte « droit » dans une relation.
Et je le répète, c’est l’équilibre entre devoirs et droits, qui sera garant d’une relation saine.
Je ne laisse pas tout passer, car ma propre personne a des droits sur moi. De plus, cela ne serait pas rendre service à l’autre, je l’encouragerais dans un mauvais comportement.
Est-ce que je coupe les ponts ? À éviter autant que faire se peut.
S’il le faut, j’opère un retrait stratégique, j’analyse la relation, je fais le deuil de la famille idéale. Je la regarde telle qu’elle est et j’essaie de l’accepter en me protégeant.
Je fais les choses pour Allah, et je comble les manques de ma famille avec Son amour.
Toutes les pistes d’action théoriques énoncées dans cet article, nécessitent recul, analyse et temps. Et aide extérieure !
N’hésitez pas à entreprendre un travail thérapeutique pour tendre vers des relations plus saines avec votre famille, et avec vous-même.
Portez-vous bien sous la Protection d’Allah.
– Hanane Benchikh –